Ce pays nous est donné.
Ce pays qu’on effleure à peine
Où nos bras se perdent de vue à fouiller les sources certaine du chant.
À chacun son lac, son roc et ses arbres.
À chacun les saisons
Comme une vie dictant la vie.
À chacun son étendue
L’âme à plat ventre, étirée
Se moulant aux rigueurs du roc
Silencieuse sous la neige
Écartelée, pour que l’homme rejoigne l’homme.
À chacun sa nuit.
Ce pays, donné, ne vaudra que s’il engendre l’homme.
Des millénaires d’eau ont coulé inutiles.
Des millénaires de forêts pourrissent inutiles ou meurent de mort finale du pillage étranger.
Le soleil se gaspille sur nos labours pierreux.
Ce pays, ancêtre du temps, n’a fait qu’engendrer la nostalgie du chant.
Mais voici qu’apparaît une saison d’homme
Une vie donnant la vie
Un chant de marée montante.
Voici qu’on s’attelle aux rivières pour un labour d’homme
Nouveau, difficile, à rebours du temps
Comme le temps même.
Vertigineux.
Voici l’énorme tâche.
Mars 1963